octobre 9, 2024

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Bukavu : le Centre Nyota, une terre promise pour des jeunes filles marginalisées

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Plus de 250 filles marginalisées ; victimes de plusieurs atrocités avec les guerres à répétitions à l’Est de la République Démocratique du Congo, sont encadrées chaque année au Centre Nyota de l’Archidiocèse de Bukavu dans la paroisse Saint François Xavier de Kadutu, sur avenue industrielle.

Traumatisées par leur situation qui reste à désirer, des jeunes filles qui arrivent de différents territoires de la Province du Sud-Kivu et de la ville de Bukavu, considèrent le Centre Nyota comme leur terre promise, où elles apprennent à lire et à écrire ainsi que les métiers en art culinaire, en fabrication de savons mais aussi en coupe et couture.

Pour la petite histoire

Le Centre Nyota, c’est une œuvre de l’archidiocèse de Bukavu. Créé en 1986 par les Sœurs de la Sainte Dorothée de Cemmo, il fonctionnait avec des moyens des italiennes. Après les guerres à l’Est, le centre a été pillé et les sœurs religieuses l’ont laissé dans les mains de l’archidiocèse de Bukavu, qui l’a ensuite cédé aux mains des laïques depuis 1997 après la guerre de l’AFDL.

Suite aux guerres à répétions, il y a eu des filles qui ont quitté leur village et d’autres qui ont connu les barbaries des militaires : des viols, des tueries, des massacres. Quand elles sont arrivées dans la ville de Bukavu, elles n’avaient pas où aller ni des familles d’accueil. Certaines se sont livrées à la prostitution, d’autres au travail de ménage. Il y a eu des filles mineures devenues professionnelles du sexe d’autres ont eu des grossesses indésirées et certaines sont venues au centre Nyota ou elles ont été encadrées.

La coordinatrice du Centre Nyota qui s’occupe des jeunes filles marginalisées, Madame Noëlla Kadayi, revient sur le rôle que joue ce centre au sein de la communauté.

« Le Centre Nyota, c’est un centre d’encadrement et de récupération des filles marginalisées en général.

Nous récupérons des filles et nous leur apprenons à lire et à écrire. Il y a celles qui n’ont pas eu la chance de continuer ou de fouler le pied à l’école. Nous travaillons sous le modèle des CRS (Centre de Récupération Scolaire), une année équivaut à deux niveaux scolaires. Après trois ans d’études chez nous, elles peuvent se présenter à l’Examen National de Fin d’Etude Primaire (ENAFEP). Après nous avons la première et la deuxième années Coupe et Couture, où l’on enseigne d’autres cours comme les mathématiques, français, la géographie, l’histoire, etc. La troisième année, c’est l’atelier de coupe et couture une formation accélérer et là, elles peuvent participer au jury provincial en métier pour obtenir un brevet. Après le brevet, ont les dotent des kits complets pour la réinsertion professionnelle.

Chez nous, c’est comme une famille. Nous avons un bureau d’écoute. Nous accueillions les filles, nous les écoutons et nous faisons des fiches de suivi car même si elles ont déjà quitté le centre pour faire leur vie, nous continuons avec le suivi. Nous encadrons des filles orphelines, des filles dont les familles sont séparées, des filles violées, des filles accusées de sorcière, des filles qui ont eu des grossesses indésirées et surtout à bas âge. »

Avant, c’est le centre qui aller vers les filles marginalisées et actuellement c’est elles qui viennent vers le centre.

« Quand elles arrivent après écoute, on leur trouve une famille d’accueil et si elles ont encore une famille qui a des moyens, on les aide à retourner dans leurs familles. Nous rêvons avoir des filles capables de se prendre en charge. Nous sommes délaissées. L’Etat ne pense pas à nous, nous souhaiterions voir nos filles encadrées ici être engagées dans des institutions ou nous aider pour l’encadrement de ces filles parce qu’elles ont aussi des droits comme tout congolais. Le centre fonctionne grâce aux personnes avec un cœur généreux, à l’exemple du Père Bernard Ugeux et d’autres, » ajoute-t-elle.

Ngali Amusayi, une fille qui ne savait ni lire ni écrire, vient de faire six ans au Centre Nyota et rêve d’ouvrir son atelier afin de coudre de plus en plus des habits pour trouver de quoi exister.

J’ai commencé ici depuis le niveau 1 et aujourd’hui je suis en dernière année de coupe et couture accélérée. Je suis en mesure de coudre tout modèle d’habit. Un grand merci au Centre Nyota qui m’a apprise à lire et à écrire et aujourd’hui je continue à étudier. Grand merci à nos encadreurs qui ont fait de nous ce que nous sommes. Je suis venue de la Brasserie avant de faire connaissance du Centre Nyota.

Arhusima Cirimwami, rêve devenir une couturière, une modéliste de marque avec un grand atelier propre à elle afin de former d’autres filles qui n’ont pas eu la chance comme elle.

« Je suis au centre Nyota depuis le premier niveau. Je suis venue du territoire de Kabare et je n’avais aucune famille. Je suis arrivée chez la directrice et une fois en troisième, on m’a trouvé une faille où je vis actuellement. Le centre m’a appris à lire et à écrire. Je suis capable de m’exprimer devant les gens. Je peux même me présenter. Je suis à mesure de coudre chaque modèle d’habit. Je rêve devenir une couturière de marque avec un grand atelier propre à moi, devenir modéliste et former d’autres filles qui n’ont pas eu la chance comme moi. Je remercie le centre Nyota pour l’encadrement. »

Furahini Mbonekube, est arrivée au Centre Nyota il y a trois ans après que je n’avait plus la chance et moyens de continuer les études secondaires. Le centre Nyota lui a redonné espoir et espère devenir une couturière de grande renommée.

« J’ai commencé en première coupe couture et cela fait trois ans que je suis là. Je n’ai pas eu la chance de continuer l’école secondaire. Ici au centre Nyota on m’a tout appris. Je fais l’art culinaire et la couture. Actuellement, je suis à même de préparer plusieurs recettes et coudre plusieurs modèles d’habits. Je rêve avoir mon propre atelier afin d’aider d’autres filles comme moi en situation difficile. »

De son côté Mwangaza Mugisho, formatrice en coupe et couture, croit en la capacité de faire de ses encadrées. Elle dit que pour chaque année, plus de 50 filles formées sont capables de faire le poids sur le marché d’emplois, elles ont toutes leur chance.

« Nous encadrons les filles ici au centre Nyota mais aussi d’autres qui finissent l’école secondaire et n’ont pas les moyens pour continuer les études supérieures. Durant une année, on les occupe pour la pratique en commençant par les exercices de pédales. Apres la formation, elles sont capables d’ouvrir leurs propres ateliers de couture. Le défi auquel elles font face, c’est le manque des matériels. »

 Signalons que le centre Nyota qui vit comme une famille, met à l’aise les filles qu’il encadre pour qu’elles se sentent réellement en famille. Elles organisent de séances d’échanges sur différentes thématiques comme : les risques de grossesses précoces, la santé et la propriété chez la jeune fille, la santé de la reproduction et d’autres qui cadrent avec l’éducation de la jeune fille. Ces séances commencent généralement par une séance de dance, une manière de détraumatiser ces jeunes filles qui sont la plus par de fois traumatisées.

Divin Cirimwami